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15 Dec

Coup de cœur : « Ghanem » l’homme hors du temps ?

Publié par menzelbourguiba-ex-ferryville.over-blog.fr  - Catégories :  #Portraits

faceaface.jpg« Ghanem », qui ne connaît pas « Ghanem » à Menzel Bourguiba. J'ai perdu de vue "Ghanem" il y a de longues années déjà. Est-il seulement encore de ce monde ? Probablement non, mais je n'en sais trop rien. Mais l’a-t-il jamais été, de ce monde ? Même de son vivant (curieux cette insistance à vouloir le sortir du monde des vivants) « Ghanem » était « hors du temps ». C’était un personnage comme on en connu toutes les sociétés, toutes les civilisations et toutes les cultures, mais que la tradition arabe affectionne particulièrement, et que l’on appelle, le plus souvent à tord, les « idiots », les « fous » du village. Et il y en a eu beaucoup à Menzel. Ils sont là, ils ont leur place dans la société (certes une place particulière) mais, statut ambivalent, ils sont tantôt les souffre-douleurs de la société tantôt ceux qui énoncent des vérités, ceux qui disent tout haut ce que les autres, les « normaux » pensent tout bas. Bien sur tous ces personnages n’ont pas le même statut ni la même fonction et/ou la même place dans la société. Or ce que les gens « normaux » ignoraient – ou ne voulaient pas voir -  c’est que en réalité ces « personnages », étaient, pour certains, des hommes et des femmes malades tout simplement, des personnes atteintes de troubles mentaux ou neurologiques. Dans d’autres sociétés, ou peut-être dans un proche avenir le seront-ils dans la nôtre, ils auraient été suivi en tant que tels. Mais dans nos sociétés les maladies qui relèvent de ces pathologies, sont encore très peu admises en tant que maladies. Mais il n’y a pas que les malades qui sont ainsi pointés du doigt. Il y a ceux que l’on considère comme des « marginaux » dans lequel on incluse aussi bien ceux que la société « considère » comme tels mais également tous ceux et celles – car il y a eu des femmes dans ce cas – qui refusent les codes de la société dite « normale »).

 

« Ghanem » donc, j’en garde quelques images. Le récit que j'en fais n'est qu'un ensemble de petits souvenirs, très subjectifs. A moins que ce ne soient des clichés. Non ce sont des souvenirs qui restent incrustés solidement dans mon esprit. En tout premier lieu « Ghanem » était un être pacifique, je dirai même foncièrement pacifique. Il ne pouvait faire de mal « à une mouche » encore moins à un être humain. Non pas qu’il ne le pouvait pas, au contraire, physiquement il en était capable. Il ne pouvait d’ailleurs pas en être autrement quant on connaît le personnage. «Ghanem » faisait des kilomètres à pied, je crois même me souvenir qu’il habitait à Tinja, mais je n’en suis pas très sur. Qui pouvait d’ailleurs l’être à propos de « Ghanem » ?  Autre souvenir qui me vient à l’esprit c’est lorsque l’été il descendait comme tout le monde à la plage Rondeau et là, il plongeait du bout de l’appontement filait à la nage, d’une seule traite, jusqu’à la fameuse bouée, puis revenait, pour se rhabiller et s’en retourner « à ses affaires ». Tout simplement. Pourquoi est-ce que je garde un tel souvenir, est-il vraiment réel ou est-ce mon imagination que me joue des tours. Allez savoir ? Le fait est que cette image est vraiment tenace dans mon esprit. Autre souvenir, notamment lorsqu’il faisait un bout de chemin avec nous sur l’avenue, ou quant il s’asseyait avec nous lorsqu’il nous voyait attablé à une terrasse de café. Certes pour y glaner une cigarette, mais ce n’est pas la seule raison, j’en suis profondément convaincu. Sans doute était-il, au fond de lui-même, intéressé par les nos discussions. Car des discussions, je dois l’avouer, nous en avions. Eh oui ! Nous faisions et refaisions le monde, mais nous faisions surtout des allez et retours incessants sur l’avenue, entre la porte de Bizerte et la poste, en poussant parfois un peu plus loin jusqu’au … passage. Allez et retour, et ainsi de suite jusqu’au petit matin souvent.

 

Mais, me direz-vous, et « Ghanem » dans tout ça ? Il faisait un bout de chemin avec nous. Le temps de cloper sa cigarette. Je me souviendrai toujours de sa voix extraordinaire lorsqu’il nous interprétait - sur notre insistance, il faut le dire, car nous aimions le taquiner un peu - les chansons de Farid El-Attrach. Je vous laisse deviner le décor. Mais « Ghanem » ne restait pas trop longtemps avec nous. Il arrivait toujours un moment où il arrêtait tout, sans explications, ni sommations, puis « Ghanem » prenait la tangente. C’était SA décision et elle était sans appel. Son temps était précieux. Nous commencions à le connaître, avec le temps, pour ne pas insister. Et ainsi « Ghanem » rebroussait chemin vers sa destination. Un dernier mot à son sujet, encore un souvenir. Quand il « participait » à nos discussions, en fait cela se réduisait souvent à quelques mots, toujours les mêmes, quelques mots pour évoquer le personnage de « De Gaulle ». Comme si le temps, pour « Ghanem » s’était arrêté à un instant « T » de l’histoire. Mais pourquoi « De Gaulle », nous n’avons, à ma connaissance, jamais pu avoir de réponse. C’était le personnage de « Ghanem ». C’était ainsi. Ghanem était hors de ce temps. Quant il s’adressait à l’un de nous son « regard »  ne faisait que nous effleurer, comme une ligne qui rebondie sur le bord d’un volume. Son regard était toujours ailleurs. Mais quel ailleurs ? A moins que, en son fort intérieur, et de son côté, nous regardait-il comme une curiosité, comme des gens qui ne comprenaient rien à l’essentiel. Allez savoir. Ainsi était « Ghanem », mais on pourrait dire la même chose de nombreuses autres personnes que nous avons côtoyées sans vraiment les connaître. Mais « Ghanem » n’était ni plus ni moins qu’une personne avec son individualité et qui ne demandait rien d’autre qu’à être reconnu dans son individualité. Tout simplement !

 

 

Je n’ai malheureusement pas de photo de GHANEM. Si quelqu’un en possède une je lui serai vraiment reconnaissant de  me l’a faire partager. Merci d’avance. Le tableau est de Boris Zaborov (ici)

 

 

M.D.

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B
j ai connue Ghanem de cite n ajah il habite du cote elrammadinia<br /> malleuresemant je ne l'est pas aperçu l'anèr dernière je l'aime bien
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