Sidi-Bouzid : « No comment ! »
Je ne comptais pas du tout faire de papier ce soir pour le
blog. Histoire de laisser un peu souffler tous ceux et toutes celles qui aspirent à finir le plus sereinement possible cette année 2010. Mais voilà que des évènements tragiques ont lieu à
Sidi-Bouzid et dans toutes les localités de cette région. Evènements tragiques parce qu’il y a eu morts d’homme. Un jeune chômeur diplômé de l’université (ils sont des milliers dans cette
situation), Mohamed Bouazizi, devenu marchand ambulant, faute de mieux, a tenté de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu. Quelques jours plus tôt un autre jeune, Houcine Falhi, s’est
également suicidé. Enfin suite aux manifestations spontanées en solidarité avec ces évènements des affrontements ont eu lieu entre la population et la police. Cette dernière aurait fait usage
de ses armes à feu tuant un jeune manifestant, Mohamed Béchir El Amari. Et, semble-t-il, une semaine après, malgré ces drames, les affrontements continuent. Dans ces conditions il est vraiment
difficile de souffler et encore moins de fêter sereinement cette fin d’année 2010.
Ce qui est choquant dans ces évènements de Sidi-Bouzid, comme cela s’est, d’ailleurs, passé dans le bassin miner en 2008, c’est que la seule réponse qui est immédiatement donnée face aux protestations de la population consiste a envoyer la police pour réprimer les protestataires. « Circulez, il est interdit de … ». Ce n’est pas parce que le malade meurt, en silence ou brutalement, que la maladie va, comme par enchantement, disparaître, et encore moins par crainte de la répression. La maladie, le problème c’est le mal endémique du chômage en général et du chômage des jeunes diplômés en particulier.
Ce qui est également choquant c’est la façon dont la presse et les médias officiels traitent ces évènements. Là encore un remake de ce qui s’est passé à Gafsa-Redeyef en 2008 : Silence radio. Oui mais un silence méprisant. Méprisant pour les victimes et leurs familles, méprisant pour les populations des régions où se sont déroulés ces évènements, méprisant pour les citoyen-nes tunisiens, et évidemment méprisant pour la profession de journaliste. Après le « circulez, il est interdit de … » de la police voilà donc le « No comment » des communicateurs. Et pourtant les tunisiens ont vu et entendu ce qui s’est passé à Sidi-Bouzid, n’en déplaise à ces messieurs-dames, à ces pseudos journaux et médias. Et c’est là tout le ridicule du comportement des propriétaires, gérants, directeurs de rédaction et autres scribes dans ces médias. Malheureusement (ou heureusement pour eux) le ridicule ne tue pas. Non, mais ils y perdent de jour en jour un peu plus de crédit - du moins ce qu’il leur reste de crédit - c’est tout !
Je tenais ici à lancer ce coup de gueule contre l’aveuglement. Car combien faut-il de suicides pour que l’on admette qu’il y a urgence. Et surtout, ce coup de gueule, c’est simplement ma façon d’exprimer ma solidarité avec les familles des victimes. Comment pourrait-il, d’ailleurs, en être autrement ? Me taire ? Pourrais-je seulement me regarder, demain, dans un miroir ?
Ce coup de colère c’est ma façon de m’associer aux multiples actions de solidarité qui voient le jour un peu partout. C’est une action collective, certes, mais elle a pour préalable, à mes yeux, la prise de responsabilité individuelle de chaque citoyen-ne. Et m’associer c’est en parler. Dans ce blog, nécessairement.
M.D.