Révolution : à la mémoire de quelques amis disparus qui auraient tant et tant voulu …
Allez, je ne vais pas faire la fine bouche ni bouder
mon plaisir avec ce qui se passe en Tunisie depuis le 14 janvier 2011. Même si le 14 janvier ne peut s’expliquer qu’à partir de cet événement du 17 décembre 2010 lorsque Mohamed Bouazizi s’est
immolé par le feu. Mais le 14 janvier, avec la fuite de Ben Ali, reste le moment du basculement. Donc je ne vais pas bouder mon plaisir pour dire combien de suis heureux et fier.
Heureux pour moi certes même si j’ai vécu cette Révolution un peu par procuration. Mais c’est comme si j’y étais. En direct et en temps réel depuis le début. Heureux donc parce que qui s’est passé - et se passe encore - c’est un véritable bouleversement qui remet l’homme (et la femme), le citoyen donc, au cœur de la société. Enfin on ne va plus parler de « la rue » arabe mais d’opinion publique. Ce fut même le premier grand chamboulement survenu dès le 15 janvier 2011 : le Tunisien s’est réapproprié le droit à la parole. La démocratie commence par là, non ? Pouvoir dire tout haut ce que l’on a sur le cœur sans crainte et sans se dire que « les murs ont des oreilles », de pouvoir l’écrire, le filmer … Et surtout échanger ses opinions avec les autres. Critiquer et être critiqué. Affirmer ses convictions et ses croyances sans être inquiété. Les courants fondamentalistes côtoient les laïques, les bourgeois libéraux croisent les révolutionnaires marxistes … La Tunisie d’aujourd’hui ressemble davantage à une Agora grecque qui fonctionne en permanence. La Révolution se construit au jour le jour. Et il faut écouter et surtout entendre ce que disent ces jeunes (et moins jeunes) venus des régions de l’intérieur, lesquelles avaient été laissées pour compte. Les voilà aujourd’hui au cœur même de la Révolution qui se construit.
Voilà pourquoi je suis heureux. Sans angélisme, évidemment. Mais comment ne pas être heureux quand, tout d’un coup, sans crier gare, se produit l’impensable, cette chose formidable, à laquelle on croyait tant (et pour laquelle, certains, s’étaient tant mobilisés) mais que l’on pensait, simplement, inatteignable et irréalisable de notre vivant. Elle est peut-être là, à portée de main. Et je crois que, et c’est mon intime conviction, rien ne sera plus comme avant en Tunisie et qu’il y a eu des choses irréversibles.
Heureux aussi pour mes enfants à qui je pourrais raconter que la Tunisie est un pays de liberté et demain une … démocratie. Peut-être ! Et leur raconter surtout que ce qui s’est passé en ce début 2011 est l’équivalent, d’une certaine manière, de ce qui s’est passé en 1789 et après (1830, 1848) en France et en Europe. Et que nous sommes, au quotidien, les témoins d’évènements, de faits, de petites histoires … qui seront décortiqués, analysés demain et après-demain, par ceux qui auront la tâche d’écrire la grande histoire, celle qui sera enseigné dans les écoles.
Heureux donc et fier également. Fier que ce grand chamboulement soit partie de Tunisie et a fait boule de neige dans de nombreux autres pays arabes. Pensez donc : l’Egypte, le Bahrein, le Yémen, vraisemblablement la Libye, la Jordanie, l’Algérie, le Maroc, l’Irak même … Il y a de quoi avoir le vertige. Fier donc de la Tunisie, notamment cette Tunisie d’aujourd’hui honnis par tous les dictateurs et potentats arabes - allez savoir pourquoi ? – mais à travers laquelle les peuples se reconnaissent. Oui je suis heureux et fier. Même si je ne sais pas de quoi demain sera fait.
Heureux et fier avec cependant un pincement au cœur. Et surtout une pensée. Une pensée à la mémoire de quelques amis aujourd’hui disparus et qui auraient été tout aussi heureux et fiers de voir ce qui se passe en Tunisie. Oui ce papier je voudrais le dédier à la mémoire de trois personnes : à Hamadi Zallouz, mort dans les geôles de Bourguiba et 1978. Il était étudiant ; à Ali Ben Ammar, mort en 2002, ou plutôt qui s’est laissé mourir ; à Ajmi Amamou, décédé, lui aussi prématurément mais des suites d’une maladie, en 2007. Hamadi (même si je l’ai peu connu personnellement), Ali et Ajmi avec lesquels j’ai partagé nombres de choses et des moments importants, sont des enfants de Menzel Bourguiba et qui auraient tant voulu voir et partager cette Révolution. Ils étaient de ceux qui l’avaient tant et tant souhaité cette Révolution. Nous y pensions sans arrêt dans nos discussions sans fin, lorsque faisions et défaisions le monde. Le cercle des poètes disparus ?
Oui, en cet instant, j’ai une pensée pour eux. Et ils me pardonneront et me comprendront, j'en suis sur, d'avoir commencé ce papier en disant combien je suis heureux.
Mohsen Dridi
Hors sujet
Vous avez bien évidemment remarqué le nouveau look du blog. Question absurde n’est-ce pas. Comment ne pas le remarquer. J’ai simplement voulu changer, mais cela n’a rien à voir avec la Révolution. Juste un costume neuf qui ne change rien au fond et au contenu du blog. Le blog reste toujours avec le même esprit : Garder vivante la mémoire de Menzel Bourguiba ex-Ferryville.