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17 Jun

Lu dans « Réalités » : Reportage à Menzel Bourguiba: Féerieville dans le giron des salafistes !?

Publié par menzelbourguiba-ex-ferryville.over-blog.fr  - Catégories :  #"Akhbar" El Menzel, News

realites.jpg« Il aura fallu la Révolution Tunisienne pour que Menzel Bourguiba fasse l’objet de quelques articles dans la presse en Tunisie ». C’est par cette phrase que je commençait un papier rédigé le 12 février dernier. Il faut également rappeler que certains journaux se sont tout de même fait l’échos de l’affaire des Eucalyptus de Guengla en mai 2010. Mais il faut avouer que c’est bien peu pour une ville comme Menzel Bourguiba. Mais ce constat reste malheureusement valable pour toutes les villes et régions de Tunisie. Les médias ne doivent pas seulement se faire l’échos de la révolution qui se déroule sur le plan politique, ils doivent également faire leur propre révolution dans leurs lignes éditoriales, leur contenu, leurs formes, la manière de traiter les évènements etc. Certes cela relève de la responsabilité première des journalistes mais les lecteurs potentiels ont néanmoins leur avis à donner. Mais c’est un processus qui demandera un peu de temps et de vigilance.

 

Si j’ai rappelé ces précédentes réflexions c’est que j’ai récemment eu l’agréable surprise de lire, et qui plus est un grand hebdomadaire, un reportage sur Menzel Bourguiba réalisé par Mahjoub Soltani. La chose mérite d’être soulignée. Une plongée dans le Menzel d’aujourd’hui et des interrogations qui traversent les mouvements d’une société civile qui se construit lentement. Bien sur le titre et le « chapeau » peuvent prêter à confusion mais le reportage est on ne peut plus clair. Mais plutôt que de faire des commentaires il vaut mieux lire l’article et se forger soi-même sa propre opinion.

 

Mohsen Dridi

 

 


 

 

Reportage à Menzel Bourguiba: Féerieville dans le giron des salafistes !?      

 

Les salafistes auraient pris le pouvoir dans la ville de Menzel Bourguiba, si réputée ; l’ancien «Petit Paris», le «Ferryville» des colons, que personnellement j’ai baptisé «Féerieville», tellement elle est fascinante, magnétisante, pour ses habitants et ses visiteurs.

 

Les salafistes auraient appelé les tenanciers de bars à changer de commerce, fermé les maisons de prostitution, saccagé des salons de coiffure et des boutiques de vente de robes de mariées, menacé les lycéennes de sévices si elles ne portaient pas le voile islamiste, etc…

Ils auraient même organisé une grande démonstration de force au stade de Menzel rien qu’avec des barbus et des femmes «en noir de pieds en cap», appelant les hommes à s’asseoir d’un côté et les hommes de l’autre, une ségrégation basée sur le genre, dans les règles de l’art.

Dieu a dit «ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait». (sourat al houjourat).

 

Nous sommes donc allés vérifier cela sur place, avons même passé tout le week-end dans cette charmante ville du gouvernorat de Bizerte, à 60 km au nord de Tunis.

 

Une ambiance bon enfant

Nous avons, en fait, trouvé une cité ouvrière laborieuse, baignant dans une ambiance agréable et sympathique ; des rues bondées de promeneurs des deux sexes, des jeunes filles en jean et cheveux dans le vent, discutant de l’épreuve de maths du baccalauréat. Dure, l’épreuve, très dure…

Aux terrasses des cafés (nombreux à Menzel), étaient attablés des jeunes et des moins jeunes, évoquant d’autres sujets plus délicats, d’une actualité plus brûlante encore, mais il n’y avait point de barbus. Ils étaient tous à la salle de l’ex-cinéma Rex, car le mouvement «Ennahdha» y tenait meeting, poursuivant son travail de fourmi, son action de sape, sa campagne sournoise destinée à rassurer les citoyens, la majorité muette (et notamment les femmes !), quant à l’avenir radieux et plein de promesses, de liberté, de démocratie, d’ouverture d’esprit et de modernisme qui les attendrait…

On a même assisté au passage d’une «aguira» avec mezoued (groupe folklorique), youyous et tout le fourbi, (dans la tradition de Sidi Béchir, cérémonie de la veille de la nuit de noces au cours de laquelle la famille de l’époux emmène à la future mariée un veau accompagné de tout le nécessaire pour la préparation du repas des invités).

Rien que des rumeurs, donc.

Non, pas tout à fait, car il y a bien eu une manifestation tenue au stade, intitulée «les enfants d’Ettawhid fêtent la révolution» en présence de l’un de leurs dirigeants, Abou Iyadh, me dit-on. Sur la vidéo enregistrée à cette occasion, on voit les hommes à la barbe drue, des enfants, encore imberbes, des fillettes en très bas âge déjà voilées, portant moult bannières, fanions et drapeaux avec la profession de foi (Ach-chahadah), à la louange de Dieu et du Prophète. Mais pas de femmes. Une démonstration de force, qui donne un avant-goût, une sorte d’entrée en matière qui laisse perplexe, car si les adultes ont le droit de choisir leur appartenance, ils n’ont pas le droit de l’imposer à des gosses encore inconscients, encore innocents.

 

Touche pas à mon bar

Au «café des relations», où je suis allé voir quelques contacts, plusieurs clients m’affirment que ces rumeurs sur le naufrage de Menzel dans le giron des salafistes n’ont aucun fondement. Il reste que, ajoute M. Kacem Laaroussi, conseiller éducatif, le mouvement Ennahdha existe bel et bien et s’organise davantage, tient des meetings et mène campagne dans le calme et le respect des citoyens. Jamais la ville n’a été aussi sereine, allant jusqu’à me murmurer que les bars étaient ouverts la veille, qu’ils le seront sûrement samedi, et que je pouvais vérifier. Ce que j’ai fait le lendemain et croyez-moi, les quatre bars étaient bondés !

Du côté de l’ancienne plage Rondeau, devenue le lieu de prédilection de ceux qui veulent boire en pleine nature, en toute liberté, il n’y avait pas moyen de garer sa voiture !!

Soufia Znati, professeur et membre du Conseil pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution précise que les salafistes auraient essayé, au début des événements de janvier, de fermer les bars, mais cela n’avait pas abouti. Touche pas à mon bar!

Et puis les trois maisons de prostitution (la Riviera, le Canari et le Rendez-vous des Matelots), souvenirs de l’époque coloniale, étaient déjà fermées du temps de Bourguiba, pour cela, je n’ai pas besoin de confirmation, puisque je vivais à Menzel à cette époque là !!!

 

Touche pas à mon bac

Les deux premières journées du baccalauréat se sont passées le plus normalement du monde, poursuit M. Kacem Laaroussi. Les mesures de sécurité n’ont pas été plus drastiques que d’habitude. Bien sûr, les forces de l’ordre et l’armée étaient sur le qui-vive. Mais on ne déplore aucun incident, même mineur. Et puis, il y a des groupes de jeunes bénévoles qui passent la nuit à sillonner la ville et les abords des institutions éducatives pour parer à toute éventualité, ajoute quelqu’un de l’assistance.

Je ne vous apprends rien, vous qui êtes originaire de Menzel, en vous disant que les menzéliens sont des bons vivants et, paradoxalement, la sécurité est plus grande aujourd’hui et la joie de vivre plus intense qu’elles ne l’étaient avant le 14 janvier, ajoute le conseiller éducatif ! Comme quoi, la révolution a ses bons côtés !

 

Le massacre d’une ville déjà éplorée

Tenez, me confie-t-il, toutes ces institutions saccagées et brûlées, l’Hôtel des finances, la Poste, la Mairie, Monoprix, les banques, le siège des télécoms, et que sais-je encore… et bien ce n’est pas l’œuvre des habitants de la ville. Nous avons remarqué la venue de deux voitures de location qui ont sillonné la ville de long en large, une demi-heure après, tout était en flammes. Les visiteurs avaient, en fait, contacté de jeunes chômeurs irresponsables, des casseurs sans vergogne, moyennant récompense en monnaie sonnante et trébuchante, servie d’avance, sous le manteau. Et la ville a brûlé. Le type de produit incendiaire utilisé laisse à penser que c’est l’œuvre de professionnels qui connaissent bien la musique. C’était comme si un ouragan avait dévasté la ville. Mais, depuis, rien ne s’est produit. Et ce ne sont ni des nahdhaouis, ni des salafistes, ni même la vraie jeunesse de Menzel qui ont fait cela. Nous les connaissons tous, et ils sont hors de cause.

Les nahdhaouis, en fait sont occupés ailleurs, au sein du Conseil pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution dont ils sont majoritaires. Contactée par téléphone, Soufia Znati, professeur et membre de ce conseil me dit qu’elles sont trois femmes au conseil, qu’elles sont totalement tolérées, intégrées, et qu’elles agissent dans une ambiance d’entente totale et de respect mutuel.

La Grande Mosquée, où officie l’imam Mohamed-Habib Rouabah, s’occupe, pour sa part, d’action sociale. On y a mis sur pied, une association d’amitié avec les réfugiés libyens, qui réunit la contribution des “gens de bien” afin d’aider les familles fuyant les massacres de Kadhafi. Il y en aurait 25 actuellement et les arrivées se poursuivent, bien que Menzel soit à l’extrême nord du pays.

En début de soirée, j’ai rencontré des représentants de l’élite menzélienne, issus de partis ou d’associations tels le Mouvement Ettajdid, le POCT, le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL), l’Association de l’Action Théâtrale, le Ciné Club, l’UGTT ou l’Association d’Edification de la Culture de la Citoyenneté. Nous nous sommes attablés à proximité du kiosque à musique, datant de l’époque coloniale et que cette dernière association venait tout juste de restaurer dans le cadre d’une action de volontariat.

 

Le supermarché, une hyper-vespasienne

Tous sont d’accord pour attirer l’attention sur la situation catastrophique que vit leur cité. Là aussi, l’on évoque ces «visiteurs», en voitures de location, qui ont soudoyé les casseurs pour que la ville soit saccagée.

Certes, disent-ils, toute révolution s’accompagne de frénésie, d’excès, de destruction. En revanche l’on ne peut expliquer que les parties concernées ne lèvent pas le petit doigt pour réparer les dégâts. Pourquoi, disent-ils, Monoprix n’a pas encore entamé les travaux de réparation, lui qui a tété la mamelle menzélienne des années durant, entre autres à travers le monopole de la vente des boissons alcoolisées. Le supermarché était devenu une hyper-vespasienne, avant d’être aveuglé il y a très peu de temps, une tâche de lèpre en plein centre-ville, sur l’avenue principale !

La restauration du siège de la Poste attend encore le bon vouloir des services responsables. Pourtant, les dégâts y sont minimes. On préfère laisser toute la population menzélienne, s’entasser dans une petite recette de quartier, à la cité Ennajah, à deux kilomètres de là.

 

«L’ancien agonise, le nouveau n’est pas encore né»

On dirait, ajoute Fraj Hamdi, sociologue et membre de l’association «Edification de la Culture de la Citoyenneté», que certains veulent gripper la machine… les vestiges du «temps jadis», ont la peau dure, à l’instar du maire actuel, qui ne fait que laisser pourrir la situation, nous met les bâtons dans les roues, au lieu de nous laisser agir dans l’intérêt de notre ville. La solution, poursuit-il, réside dans l’accélération de la mise en place du comité provisoire pour la gestion des affaires de la ville. Hassen Béjaoui, du Mouvement Ettajdid, me dit à ce propos que tous les partis représentés à Menzel (y compris Ennahdha), ainsi que le tissu associatif, se sont réunis à maintes reprises et ont établi une liste nominative consensuelle pour ce conseil. La liste a été soumise au gouverneur. Ils attendent encore son aval.

«L’ancien agonise, le nouveau n’est pas encore né», note, dans un arabe châtié, Hamadi Benmleh, du FDTL.

Le plus grand problème de Menzel, poursuit-il, c’est le chômage. La ville compte 972 diplômés de l’université actuellement sans emploi. A cela s’ajoutent les centaines d’autres jeunes et adultes dans l’attente d’une embauche. Et personne ne semble y prêter la moindre attention.

Cela ne date pas d’hier. Menzel est une ville sanctionnée, châtiée pour son mauvais comportement, explique-t-il. D’abord on l’a accusée d’avoir été le fief des youssefistes. Puis elle a été châtiée pour le complot de 1963. Ensuite elle a payé pour le grabuge enregistré lors de la première et dernière visite de Bourguiba, juste après l’évacuation. Et on l’a laissée se clochardiser chaque jour davantage et pourrir, notamment au plan économique.

 

Menzel : un pôle industriel?

Pourtant, la ville était le fleuron de l’industrie coloniale, avec l’arsenal et ses trois bassins de radoub, son centre pyrotechnique, son infrastructure militaire. Certes, plusieurs entreprises industrielles s’y sont installées, ces dernières décennies, néanmoins, le taux de chômage n’a fait que gonfler, l’exode aidant. Afin de pallier ce déficit en emplois, me dit Fraj Hamdi, il suffirait, par exemple qu’on redémarre le deuxième haut-fourneau de l’usine sidérurgique. Son arrêt, délibéré, visait à réduire le nombre d’ouvriers et à dévaloriser l’entreprise afin de pouvoir la privatiser et la liquider facilement.

On devrait également penser à mettre à niveau les entreprises existantes et à encourager la mise en place de petites et moyennes entreprises, capables d’absorber une grande partie des demandeurs d’emploi, moyennant des investissements modestes, note Hassen Béjaoui. La récente crise de l’usine «JAL GROUP», a mis à nu toute la fragilité du tissu économique local. La fermeture définitive et la délocalisation de cette méga-usine (et donc la perte de 3000 postes d’emploi) aurait été une catastrophe. Et la ville n’aurait jamais pu s’en remettre. (NDLR: cette usine spécialisée dans la fabrication de chaussures de sécurité et employant plus de 4500 personnes dont quelques 3000 rien que sur la délégation de Menzel Bourguiba, a été fermée temporairement, suite aux agissements du nouveau syndicat qui avait séquestré le Directeur général de l’usine à Menzel Bourguiba, et l’avait agressé physiquement, le menaçant même de mort. L’affaire est aux mains de la justice. Rappelons aussi que la plupart des membres de ce syndicat responsable de la crise sont salafistes, CQFD !)

 

Menzel, la cousine de Sidi Bouzid

Quand on voit que ce pôle industriel, cette cité ouvrière de quelques 100 mille habitants ne dispose pas de la moindre institution universitaire (un ISET, par exemple) et qu’il y a des institutions éducatives couvertes de tôles ondulées en guise de toits, on se demande ce qui en a fait une cité pestiférée, ce qu’elle a de spécial pour que tout le monde s’en soit détaché. L’argument qu’on vous avance, c’est qu’il y a des urgences et des priorités dans d’autres régions. Faux et archifaux ! Menzel est un autre Sidi Bouzid, avec juste un nom pompeux, note Soufia Znati !

 

Médias et rumeurs

Hassen Béjaoui ajoute : «la faute incombe aussi à certains médias qui font leur travail par procuration.

Un journaliste ayant récemment évoqué la situation dans cette ville en rapportant nombre de contre-vérités a justifié ses erreurs en disant qu’on lui avait téléphoné de Menzel pour lui passer ces informations».

S’ils font leur travail par procuration et alimentent eux-mêmes la rumeur, qu’ils restent chez eux, me dit le groupe. Mais s’ils veulent faire œuvre utile, dans le respect de la déontologie, qu’ils viennent voir les initiatives entreprises par les habitants et la société civile pour assainir la situation et permettre à la ville de se redresser et de s’épanouir, expliquent-ils.

«Tenez, ajoute Hassen Béjaoui, voici un DVD que nous avons mis au point dans le cadre de notre action associative et qui peut vous éclairer davantage sur la situation catastrophique que vit notre ville, malgré un énorme potentiel, à même de lui garantir un essor certain, si seulement les décideurs le voulaient.»

Le DVD ?? Une autre longue histoire ! Lugubre!

 

Mahjoub SOLTANI

http://www.realites.com.tn/details_article.php?t=534&a=23061&temp=1&lang=&w=

Commenter cet article
D
<br /> C'est très bien rédigé par mon professeur Mr Mahjoub SOLTANI sauf qu'il n'a pas fait une bonne sélection des gens à qui se confier pour l'info juste. Les gens qui qui connaissent les nuits et les<br /> jours de notre Menzel!!!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Merci Mohsen de nous faire part de cet article de Mahjoub SOLTANI , notre ami journaliste, l'inventeur de de "Féérieville". Merci Mahjoud de ton article à la fois plein d'espoir et d'une<br /> nécésssaire vigilence.<br /> <br /> <br />
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Garder vive la mémoire d'une ville (Menzel Bourguiba ex-Ferryville) et de ses habitants