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11 Nov

Humeurs : Elections tunisiennes : Le vote des franco-tunisien-nes entre les … deux rives

Publié par menzelbourguiba-ex-ferryville.over-blog.fr  - Catégories :  #"Humeurs"

elections

L’histoire a lieu en mai 2012. Nous sommes vendredi et c’est jour de marché. Trois fois par semaine que ce rituel a lieu, le mardi, le vendredi et le dimanche. J’essaye d’éviter d’y aller le dimanche car c’est le jour où le marché est archi comble et les gens viennent de toute la région parisienne et même au-delà ! Alors je préfère le mardi ou le vendredi. J’avoue même que j’ai en horreur ces files d’attentes interminables y compris même pour acheter son pain. Ceci dit j’y vais néanmoins certains dimanches pour déambuler mais sans contrainte car c’est le jour où il y a plus de choix dans les étals des marchands ambulants.

 

Mardi dernier je m’y suis donc rendu. Et comme à chaque fois j’y rencontre quelques  voisins. Et l’un d’eux tout particulièrement. Oh ! Tout simplement parce c’est un tunisien qui plus est bon père de famille et que je croise régulièrement, et pour lequel, je dois l’avouer, j’éprouve une cordiale sympathie. Très souvent d’ailleurs nous échangeons quelques mots sur la Tunisie.

 

Mais ce mardi là, la rencontre avait comme qui dirait un air un peu particulier. En effet ce jour là nous étions le 8 mai, soit deux jours après les résultats de l’élection présidentielle en France. François Hollande, le candidat de la gauche, a été élu président de la république. L’alternance, enfin ! Et par-dessus tout cela va enfin refermer la page de Sarkosy. Et ce mardi donc en croisant mon illustre voisin je me dis que l’on va, cette fois ci, à coup sûr évoquer cette question.

 

Eh bien pas du tout ! La discussion a tourné autour de la situation en … Tunisie. Oh ! Ce n’est pas un reproche. C’est un peu normal que des Tunisien-nes qui se rencontrent soient plus portés par la situation du pays surtout après la révolution et la tournure inquiétante que prennent les évènements ces derniers temps. Je savais que ses sympathies allaient pour le mouvement islamiste Ennahda car il y a un an environ, juste avant les élections de 2011 il avait laissé entendre qu’il votera pour ce parti. Je pense que de son côté il se doutait que mes opinions différaient des siennes sur le sujet. Mais jusque là pas de problèmes nous avons toujours des rapports cordiaux et de bon voisinage. Nos opinions politiques n’interféraient nullement dans nos relations, lesquelles restaient bien sûr superficielles. C’est ainsi et, quoi qu’il en soit, il faudra faire avec[1].

 

Revenons donc à ce mardi 8 mai 2012. Mon voisin m’a même demandé si j’avais l’intention de rentrer au pays cet été et il m’a même demandé si je connaissais une agence intéressante pour réserver les billets, etc., etc. Notre petite discussion se termina comme elle avait commencé, simplement et cordialement puis chacun est reparti vaquer à ses affaires.

 

Qui vote et comment ?

 

Mais voilà que furtivement une idée m’effleure l’esprit. C’est agaçant à la fin que de toujours chercher la « petite bête ». Je me suis alors mis à penser à tous ces franco-tunisien-nes (et justement en premier lieu à mon vénérable voisin) qui avaient voté en octobre 2011 pour l’Assemblée constituante tunisienne. Et pour être plus précis je pense à ceux et celles qui ont voté pour le parti Ennahda[2] en particuliers et j’essaye d’imaginer quel a pu être leur choix pour le 6 mai 2012. S’ils ont voté évidemment !

 

Avant d’aller plus avant une précision indispensable : je sais pertinemment que nombre de sympathisants d’Ennahda en particulier ceux et celles militants dans les associations et engagés dans les mouvements sociaux en France exprimeront par leur vote leur rejet de la politique de Sarkosy. Donc pas de doute ni de problèmes de ce côté.

 

Mon interrogation concerne, par contre, tous les autres. Et je me permets d’émettre ici les quelques pistes que voici :

 

Hypothèse 1 : Ils et elles portent majoritairement leurs suffrages sur la droite et notamment sur Sarkosy. Hypothèse peu probable à vrai dire[3].

 

Hypothèse 2 : Ils et elles s’abstiennent majoritairement ou votent blanc. Hypothèse tout à fait envisageable.

 

Hypothèse 3 : Ils et elles votent majoritairement à gauche. Hypothèse là également tout à fait envisageable, mais quelques interrogations cependant !

 

Hypothèse 4 : Ils … ? Non finalement j’exclue, pour l’instant, cette hypothèse pour les mêmes raisons que l’hypothèse 1.

 

Donc ? S’ils sont logiques avec les valeurs et les idées qu’ils prônent, leur vote ne peut pas être si différent d’un pays à l’autre. Ainsi quand on a voté pour Ennahda à l’élection de la constituante en Tunisie on a clairement fait le choix du vote identitaire et/ou conservateur. Comment, dès lors, ce vote identitaire en Tunisie peut-il se traduire sur le plan électoral en France ?  Véritable dilemme !

 

En toute logique je ne vois pas d’autres positionnements que l’abstention ou le vote blanc. Pour la bonne et simple raison qu’aucune des candidatures du premier tour en France ne répond à l’attente de ces franco-tunisien-nes qui ont fait le choix du mouvement Ennahda en octobre 2011.

 

On peut également poser la question d’une autre manière : Si les franco-tunisien-nes ont voté, en France, pour le candidat de la gauche comment est-il possible qu’ils fassent un choix identitaire et conservateur dès lors qu’il s’agit de l’élection en Tunisie ?

 

Et pour pousser plus loin la spéculation avec, je le reconnais, un brin d’esprit polémique, je dirai que s’ils veulent être conséquents avec eux-mêmes et leurs idées ils devraient être sinon favorables du moins « compréhensifs » à l’égard du vote identitaire que prônent certains candidat-es de la droite ou du FN (Front national) en France. Hypothèse peu plausible n’est-ce pas ! Et qui, du même coup, pourrait expliquer et justifier le choix de l’abstention ou du vote blanc. Si, bien entendu, c’est ce choix que les électeurs franco-tunisien-nes ont fait ! Pure spéculation que tout cela, je l’admets. Et puis après tout rien ne dit que mon voisin possède la nationalité française et auquel cas la question du vote en France ne se pose même pas !

 

Hypothèse peu plausible donc ! Cependant c’est en observant de nombreuses situations et comportements que j’en suis arrivé à me poser ces questions. Et en tout premier lieu cette interrogation pertinente que j’ai trouvé à la lecture d’un texte de Hamadi Redissi intellectuel tunisien, spécialiste de l’islam et qui se demandait « Comment demander ce qu’on n’est pas en mesure soi même d’accorder à autrui[4] ? ».  En clair les islamistes qui en France (et à l’étranger) réclament l’égalité des droits et de traitement pour la pratique du culte doivent aussi se poser la question sinon de la réciprocité du moins de leur attitude dès lors qu’ils sont majoritaires par exemple dans un pays arabo-musulman et du droit des autres minorités et des autres cultes[5]

Du social ici, de l’identitaire là-bas ?

 

Car faut-il le rappeler le positionnement plutôt à gauche des Tunisien-nes en France est identique à celui de tous les immigrés et s’explique autant objectivement que subjectivement. Objectivement la grande majorité des Tunisien-nes en France, comme des immigrés et des étrangers hors union européenne, se retrouvent socialement et économiquement classés dans les catégories populaires (ouvriers, employés, chômeurs, étudiants …) avec lesquelles ils partagent les mêmes conditions de vie et les mêmes territoires[6]. Et que sur le plan électoral, quand ils votent évidemment, ils se retrouvent plus en phase avec les propositions de la gauche que de la droite. Même si on ne peut parler d’une adhésion à toutes les valeurs prônées par la gauche les Tunisien-nes et les immigrés sont tout simplement des gens « normaux » qui jugent les autres et les politiques d’abord sur leurs actes mais également à leur degré d’hostilité à leur égard[7]. C’est humain tout simplement !

Et en la matière il n’y a pas photo entre les gens de gauche et ceux de droite.

 

Et je ne parle pas ici seulement des français de gauche qui soutiennent les étrangers et les immigrés dans leurs droits. Non car j’inclus dans cette gauche tous les mouvements de la société civile et parmi lesquels la place occupée par les immigrés eux-mêmes et par les associations d’immigrés. Que se soit dans les entreprises, pour le logement, dans les quartiers, à l’école, pour la régularisation des sans-papiers, contre les crimes racistes, pour le droit à la culture … pas une lutte sans la présence des immigrés ou des jeunes issus de parents immigrés ou étrangers. Depuis de début des années 1970 on ne compte plus les mouvements sociaux et les batailles pour les droits des immigrés et des étrangers ou encore pour la justice et le refus de la ghettoïsation des quartiers populaires.

 

Bien sûr rien n’est jamais acquis définitivement et que de fois n’a-t-on vu des remises en cause de certains acquis dès lors que la vigilance s’estompe.

 

Et que l’on ne s’y méprenne pas ! Ce n’est pas seulement par simple humanisme (attitude tout à fait honorable par ailleurs et point de départ indispensable pour comprendre autrui et pour tout « vivre ensemble » et que l’on a souvent rencontré sur le terrain) et loin de tout misérabilisme, que cette dynamique solidaire a pu avoir lieu. Non c’est, avant tout, en réponse à l’exploitation par certaines entreprises et patrons d’une main d’œuvre moins chère et qui plus est supposée docile, que les gens, en l’occurrence ici les immigrés, se sont organisés pour se défendre. Et ils ont fait appel à tout le répertoire de lutte connu. De l’auto organisation de la lutte jusqu’à l’implication des (et dans les) syndicats en passant par la médiatisation, le recours juridique, l’appel à la solidarité…etc.

 

De plus, l’islamophobie instrumentalisée par certains milieux, de même que les phrases assassines et les discours anti immigrés, ou encore la politique d’exclusion et d’expulsion systématique … qui sont d’abord et avant tout le fait de la droite et de l’extrême droite, même si la gauche n’a pas toujours été innocente en la matière. Tout cela donc créer les conditions subjectives pour que les immigrés et les étrangers - donc par conséquent les Tunisien-nes - se positionnent à leur tour, de manière spontanée et tout simplement humaine, dans une attitude de rejet de cette discrimination.

 

Et durant toutes ces décennies de luttes mais aussi d’angoisses et de craintes, la seule identité qui pouvait réunir autant de monde, pourtant si différent et en apparence si éloigné, c’est cette demande de justice et d’égalité des droits. Combien d’églises ou de temples - pour s’y réfugier et pour les besoins des grèves de la faim de sans-papiers - ont été occupés et le plus souvent avec le soutien des prêtres et des paroissiens sans que jamais, ou à de très rares exceptions, ne soit invoquée une quelconque atteinte au sacré ou aux croyances. Ce fut toujours et en premier lieu l’humain qui a prévalu et la solidarité avec les revendications des immigrés.

 

Rien, faut-il le répéter, n’a jamais été obtenu sans la mobilisation des immigrés eux-mêmes et la solidarité de larges secteurs de la société. Et tous ces acquis ont été possibles parce qu’ils ont toujours comporté une dimension d’égalité et de justice sociale. « Français-immigrés, égalité des droits » ou encore « même patron – même combat » voire encore « justice contre les crimes racistes et/ou sécuritaires ! » etc.

 

Finalement les luttes impliquant des immigrés ou des français, des jeunes ou des moins jeunes, des hommes ou des femmes … en France sont des luttes sociales où le rapport de force est certes toujours présent mais qui trouvent généralement leurs débouchés dans la négociation.

 

Et ceux qui, aujourd’hui, trouvent après tout « normal » qu’ils bénéficient de l’égalité de traitements, de la carte de résident renouvelable, du droit à la protection sociale, du droit de grève, du droit de se syndiquer, du droit associatif … et demain peut-être du droit de vote aux élections locales … ceux là ne se sont peut-être jamais posés la question de savoir que ces acquis là ne sont pas tombés du ciel. Ces acquis sont le résultat de combats des immigrés eux-mêmes pour leurs droits - et c’est là une dimension très importante – mais également de la solidarité des français organisés dans tous les secteurs de la société civile (syndicats, associations de soutien, personnalités …). Et c’est cette mobilisation conjointe et solidaire des immigrés et des français qui a constitué et donné véritablement un sens à cette gauche sociale. Des « indigné-es » avant l’heure en fait ! Et, qui plus est, sans cette gauche sociale, celle du terrain, il aurait incontestablement manqué à la gauche politique et électorale ce supplément d’âme indispensable.

 

Et qui plus est faut-il rappeler cette évidence : Les Tunisien-nes à l’étranger sont, outre le fait qu’ils sont soumis aux règles et lois de chacun des pays de résidence, sont également régis par des conventions bilatérales avec chaque pays d’immigration concernant l’entrée et le séjour, les régimes de sécurité sociale, des rapports avec les consulats, conventions qui, jusque là, relevaient des prérogatives exclusives et discrétionnaires des gouvernements et des Etats. Et bien évidemment en fonction des rapports de forces inégaux entre les pays et les Etats. Situation que les Tunisien-nes à l’étranger et les associations ont toujours voulu modifier pour que soient, enfin, pris en compte les intérêts de la Tunisie mais aussi des immigrés tunisien-nes[8]. Et cela nécessite non seulement de re-négocier ces conventions bilatérales mais encore et au préalable rompre avec les pratiques de l’ancien régime qui ne concevait sa relation avec l’immigration tunisienne qu’en termes sécuritaires et de contrôle. Je me souviens par exemple comment, dans les années 1970, nous étions invités ou plutôt sommés de ne pas participer aux luttes des sans-papiers ou aux manifestations pour ne pas, nous disait-ont alors, « ternir l’image de la Tunisie » dont nous étions paraît-il les « ambassadeurs »[9].

 

Alors, finalement, comment faut-il interpréter ce vote des Tunisien-nes en faveur d’Ennahda ? Un vote conforme et identique à celui des familles et des proches en Tunisie ? Un vote de sympathie envers ceux qui ont subit la répression brutale sous Ben Ali ? Un vote, par défaut et par procuration, contre le regain de l’islamophobie en France, une sorte de défit ? …etc.

 

Ceci étant, et pour revenir à mon voisin de départ, rien ne dit qu’il est concerné par les élections en France, et que, au mieux, il se serait tout simplement abstenu ! D’accord mais alors comment expliquer le taux de 30% des votants en faveur d’Ennahda en octobre 2011 ? Un tel taux qui, bien que relatif, n’en reste pas moins très important ? Suffit-il, pour s’en laver les mains, de toujours relativiser et d’insister par exemple sur la faible mobilisation des autres listes[10] ?

 

Mais que dans le même temps, et il ne faudrait pas l’oublier, il y a près de 80 000 des votants (66%) qui se sont portées, avec la dispersion que chacun a pu constater, sur d’autres listes.

 

Peut-être est-il, finalement, plus pertinent (et urgent) de savoir pourquoi plus de 70% des électeurs potentiels n’ont pas fait la démarche de s’inscrire volontairement sur les listes électorales et ne se sont pas déplacés pour aller voter alors même que la possibilité leur en était offerte ?

 

Comme on le voit, il y a du pain sur la planche ! Qui plus est nous sommes à quelques encablures seulement des prochaines élections, lesquelles seront déterminantes pour les 5 ou 10 années qui vont suivre. Et l’immigration qui n’est pas en reste doit tout faire pour éviter un remake du scénario d’octobre 2011 !

 

Mohsen Dridi

 

 



[1] Petite anecdote mais véridique : un jour je rencontre en bas de l’immeuble un autre de mes voisins. Je lui dis bonjour en arabe. C’est là qu’il s’arrête pour me demander si je suis moi-même arabe. Je lui réponds par l'affirmative. Sur ce il me demande pourquoi il ne me voit jamais à la mosquée du quartier. Sans trop insister je lui réponds laconiquement et surtout pour ne pas prolonger inutilement la discussion, que je n’avais pas beaucoup de temps. C’est un bon père de famille, un bon pratiquant, honnête dont les enfants fréquentent le même établissement scolaire que les miens. A l’issue de ce bref échange en m’éloignant pour retourner vaquer à mes affaires je me suis posé la question suivante : pourquoi ce voisin ne m’a jamais abordé pour me parler des problèmes d’école (que je n’ai jamais vu dans les réunions de parents d’élèves), ou des problèmes de la vie dans la cité, de locataires (je ne l’ai jamais vu non plus dans les réunions de l’association de locataires) … Son seul souci a donc été de ne pas me voir fréquenter la mosquée. Cela reste aujourd’hui encore pour moi une énigme. J’imagine que pour lui également mon comportement est tout aussi, sinon plus, énigmatique.

 

[2] En France il y a eu quelques 118 000 votants  sur un corps électoral estimé à plus de 430 000 électeurs (27.44%). Le mouvement Ennahda a totalisé près de 40 000 voix soit environ 1/3 des votants mais cependant cela représente moins de 10% des électeurs potentiels.

 

[3] Ce qui me semble peu probable compte tenu du glissement islamophobe et/ou anti-immigrés dans les thèmes de la campagne de Sarkosy et l’UMP mais également toutes les mesures anti-sociales prises par ce pouvoir. Il y a donc un véritable phénomène de rejet de Sarkosy parmi les couches populaires et notamment parmi les immigrés.

 

[4] Cf. « le pacte de Nadjd. Ou comment l’islam sectaire est devenu l’islam ». H. Redissi. Seuil 2007. (…) «  En effet, l’articulation entre l’égalité espérée et le principe de réciprocité nous ramène aux termes mêmes de la reconnaissance mutuelle du pacte de Nadjd : comment demander ce qu’on n’est pas en mesure soi-même d’accorder à autrui ? » Hamadi Redissi parle ici de la demande de reconnaissance et de la non-discrimination des minorités (musulmanes) hors « maison d’islam » et poursuit-il « Autant le dire : l’islam revendique volontiers, mais il ne justifie pas, il demande mais ne donne pas, il veut débattre mais n’offre pas de meilleurs arguments ».

 

[5] On ne le sait pas assez mais les responsables du culte musulman en France sont aussi les plus fervents défenseurs du principe de la laïcité qui assure et garanti, pour l’islam, la liberté de culte à l’instar de toutes les autres religions comme d’ailleurs de toutes les croyances, y compris le droit de ne pas croire.

[6] Selon une enquête du CEVIPOF les musulmans de France appartiennent pour les trois quarts d’entre eux aux catégories populaires, ouvriers et employés. De même près de 48% des ouvriers et employés musulmans se classent plutôt à gauche. Et que, à titre d’exemple, sur 100 suffrages exprimés au second tour de la présidentielle de 2007, 95 se sont portés sur Ségolène Royal et 5 seulement sur Nicolas Sarkozy. (cf. Cevipof : le vote des musulmans. Décembre 2011)

 

[7] J’admets évidemment que le même type de comportement peut également se vérifier concernant le vote des Tunisien-nes en faveur d’Ennahda. Les Tunisien-nes sont tout simplement des gens « normaux » qui jugent les politiques d’abord à partir de leur proximité avec le peuple et bien sûr sur leurs… promesses. En attendant de les juger sur leurs actes. Ceci étant, il faut éviter de donner des jugements définitifs et il faut laisser le temps faire son œuvre. Rien, en effet, ne dit que nous n’avons pas affaire ici à une sorte de vote sanction contre le système, tout le système dans  lequel on retrouve aussi bien les nantis qui ont véritablement tiré profit à tous les niveaux du système (par la rente, le népotisme, le clientélisme …) que les catégories qui ont seulement bénéficié, de par leur proximité territoriale et sociale, des retombées du système (sur les plans économique, social, culturel, des services publics …).

[8] Voir à ce sujet les actes des assises de l’immigration tunisienne qui se sont déroulées le 7 mai 2011 dans la région parisienne (université de Saint-Denis – Paris 8)

 

[9] Voir à ce sujet l’excellent film sorti en 1975 de Nacer Ktari « les ambassadeurs ».

 

[10] Plus sérieusement, et même s’il est encore trop tôt pour tirer de vrais enseignements des comportements électoraux des Tunisien-nes, ne faudrait-il pas considérer que nous sommes peut être là en présence de l’expression d’un courant politique, islamiste en l’occurrence, qui se met en place et qui s’inscrit dans la durée ? Sans doute aussi faudra t-il faire la part des choses et ce que recouvre en réalité ce vote identitaire. Ne recouvre t-il pas tout autant un vote régional (le sud et l’Ouest contre les régions et les villes du littoral, lieux du pouvoir politique et économique) ; avec aussi un vote territorial et sociologique (les quartiers et les zones périphériques pauvres, marginalisés et paupérisés contre les quartiers et les zones plus favorisés)… La question est de savoir si les autres familles et expressions politiques vont s’organiser à leur tour (les Destouriens sont semble-t-il dans cette perspective). A ne pas confondre ici famille politique avec liste électorale ou même un parti politique. Une expression ou une famille politique suppose une idéologie, l’attachement à un projet de société, une identité de classe(s), une histoire et une mémoire de groupe … éléments qui ne peuvent se mesurer véritablement que sur la longue durée.

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