Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 Jan

Coup de cœur : Au coeur de la Révolution Tunisienne... un homme dans la nuit

Publié par menzelbourguiba-ex-ferryville.over-blog.fr  - Catégories :  #Chroniques sociales et politiques

homme-seul.jpgLa Révolution Tunisienne fut, dit-on, la première ciber-révolution. La génération facebook et celle des bloggeurs ont remplacé ceux des médias traditionnels (presse écrite et audio-visuelle) trop acoquinés avec le pouvoir et trop habitués (et contents par dessus le marché) à le caresser dans le sens du poil. Mais de là à parler d’une ciber-révolution c’est aller un peu trop vite en besogne même si les réseaux sociaux ont été, incontestablement, les principaux vecteurs de transmission de l’information. Une information en temps réel. C’est aller un peu vite en besogne car cela écarte d’un trait la caractéristique principale du déclenchement de cette révolution : le peuple. Et qui plus est le peuple de la Tunisie profonde, celle justement laissée pour compte par le régime de Ben Ali et même par le précédent, celui de Bourguiba. Et c’est la révolte du peuple de Sidi Bouzid et des environs, suite à l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, qui a déclenché la Révolution Tunisienne.

 

Mais cela n’enlève rien au rôle joué par les réseaux sociaux, notamment facebook, et par les bloggeurs qui ont admirablement accompagné le mouvement et ont fait en sorte que la planète suive, en temps réel et en direct, la marche accélérée de cette révolution Tunisienne. Enfin presque en temps réel car les évènements allaient en vérité beaucoup plus vite que les informations. Et par procuration le monde entier – sauf les dictateurs, leurs complices – s’est identifié à cette révolution et a pris fait et cause pour elle. La Tunisie venait ainsi d’entrer, par la grande porte, dans la modernité et le monde a, du même coup, découvert la Tunisie et un peuple et à travers eux, sans doute, le monde arabe. Le monde a découvert, simplement, un alter égo loin des clichés et des stéréotypes. Voilà un effet collatéral pour le moins inattendu de la Révolution Tunisienne.

 

Mais ce n’est pas ces aspects que je voudrais aborder ici. Ou plutôt malgré ces éléments relatifs à la mobilisation massive du peuple, d’hyper médiatisation et de ciber-révolution, d’événement quasi planétaire … ce qui m’a particulièrement touché dans ce flot immense de messages, d’images, de vidéos … c’est juste un petit événement, à l’échelle humaine. J’imagine que tout le monde a vu cette vidéo. Et comme moi tout le monde a, j’imagine, été bouleversé par l’intensité dramatique des images. En fait il s’agit d’une vidéo à un plan unique. Une vidéo filmée de la fenêtre d’un immeuble d’une grande avenue à Tunis alors que le couvre feu est en vigueur. Une vidéo, prise en plongée, montrant un homme, seul (ou presque), faisant lentement des allers et retours, au milieu de la nuit et de cette avenue, à la lueur rougeâtre des lampadaires. Cet homme s’adressait, non plutôt haranguait les … ? Qui ? Quoi ? Les bâtiments autour de lui ? Les gens qui y habitaient ? Sans doute s’adressait-il à lui-même également. Bref ceux (en fait celles) qui filmaient (puisque on entendait chuchoter des voix féminines et que j’ai même cru percevoir un sanglot à peine retenu puis des you-you de la fenêtre) à partir d’une fenêtre à peine entr’ouverte nous donnait à voir - et surtout à entendre – le manège de cet homme, ses va et viens, les bras levés au ciel comme pour implorer les dieux ou les hommes. L’image me rappela ces prisons où les prisonniers sont dans une cour intérieure à faire les cents pas, pour tuer le temps. Mais là c’est la voix, une voix un peu enrouée mais néanmoins tellement expressive, qui nous délivrait la trame de toute l’histoire. Cet homme criait sa joie, sa douleur aussi, martelait inlassablement ses mots (et ses maux) à l’attention des autres et que les murs des immeubles renvoyaient en écho. Des mots à l’adresse des tunisiens, comme le faisaient dans le temps nos « Barahs » (comme les crieurs au Moyen âge en Europe) pour annoncer les nouvelles. Et notre barah ce soir là relatait la fuite de Ben Ali, la victoire contre la dictature, contre l’humiliation et la corruption, la victoire du peuple contre le tyran, l’héroïsme du peuple … Bref quelques phrases intenses qu’il répétait de sa voix rauque. Les sons sortaient non de sa bouche mais véritablement du fin fond de ses tripes. Oui cet homme, presque hors du temps et de l’espace, certes un tunisien qui martelait sa fierté d’être tunisien, mais qui à cet instant précis, avec ses mots, s’adressait d’abord à toutes et tous. Un humain tout simplement.

 

Voilà ce que j’avais envie de dire et de partager ici. La vidéo que j’ai mis en lien (ici) n’est pas celle que j’avais vu la première fois. Je n’ai pas pu retrouver cette vidéo malgré mes recherches sur facebook. J’ai heureusement trouvé cette autre vidéo filmé de la rue même. C’est la raison pour laquelle j’ai essayé de décrire, par des mots, mes premières impressions.

 

Toujours dans les coups de cœur je voudrais juste vous faire voir et écouter cette autre vidéo (ici) que j’ai trouvé dans facebook les réseaux « Club de Jumelage Menzel Bourguiba-Stuttgart » qui un montage très touchant intitulé le « meilleur de la Révolution Tunisienne ». A voir et écouter sans modération.

 

Mohsen Dridi

 

Voici les liens pour voir les vidéos montrant Naceur Laouini cette nuit du 14 janvier 2011

 

http://www.youtube.com/watch?v=TNzC4O1Qh1c

 

http://www.youtube.com/watch?v=HfYLrafGzPc

 

La photo est tirée de « L'Istanbul Noir et Blanc » de PAMUK

Commenter cet article
G
<br /> Très bel article : votre description de cet homme isolé criant, dans la nuit de Tunis, sa joie et sa souffrance m'a permis d'imaginer aisément les images que je n'avais pas vues. Merci, Mohsen !<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> Combien de choses se sont passées depuis l'article sur<br /> " un Kiosque qui bat la mesure " ??<br /> Combien de choses qui auront fait de cette Tunisie que l'on aime, un pays libre, et qui a le droit d'être fière de son peuple.<br /> Je garde en tête l'image vue aux Infos de cet homme pas très jeune au visage jovial avec sa chechia sur la tête, qui en pleurs levait les bras au ciel pour le remercier de l'avoir gardé en vie<br /> jusqu'à ce jour pour pouvoir voir son pays enfin libre ....Tout un symbole... Bonne chance à vous amis Tunisiens pour un avenir que je vous souhaite heureux et prospère. Cloclo<br /> <br /> <br />
Répondre

Archives

À propos

Garder vive la mémoire d'une ville (Menzel Bourguiba ex-Ferryville) et de ses habitants