MUNICIPALES 2020 DANS LE 9-3 ET LES ELU(E)S « ISSUS DE L’IMMIGRATION » (I)

MUNICIPALES 2020 DANS LE 9-3 ET LES ELU(E)S « ISSUS DE L’IMMIGRATION »
Avant propos
Lors des présidentielles et des législatives de 2007 chacun avait pu constater une tendance, certes relative mais néanmoins remarquée, à la participation des français issus de l’immigration non seulement en tant qu’électeur(trice)s mais encore en tant que candidat(e)s. Chacun se souvient aussi lors d’élections précédentes notamment municipales avec les multiples initiatives de listes autonomes lancées par des jeunes dans de nombreuses villes. C’est donc un mouvement certes lent mais réel qui remonte loin. Voulant en avoir le cœur net je pris la décision de suivre d’un peu plus prés le déroulement et des municipales de 2008[1] en réalisant un bilan succinct des résultats par commune pour voir si cette tendance se confirmait. En 2014, lors des municipales je répétais l’opération pour pouvoir alors comparer les résultats d’une élection à l’autre. Et en effet il ressort de ces deux moments une réelle progression tant au niveau du nombre de candidats qu’à celui des élu(e)s issus de l’immigration. Fort de cette expérience et de ces données je décidais de renouveler pour la 3ème fois l’expérience en 2020.
Une petite mais nécessaire mise en garde tout de même. Sachant que les statistiques dites « ethniques » ne sont pas autorisées en France il a bien fallu cependant pour les besoins de ce travail m’appuyer sur quelques critères pour tenter d’identifier sur les différentes listes les personnes « issues de l’immigration » extra-européenne (en se référant évidemment aux nom et prénoms et/ou photos). Donc si ce travail n’a aucune prétention scientifique les chiffres indiqués - que j’estime pour ma part plutôt sous estimés - ne sont néanmoins pas loin de la réalité avec une marge d’erreurs acceptable.
LES MUNICIPALES DE 2020 EN FRANCE
Les élections municipales de 2020 en France se sont déroulées dans un contexte particulier en raison notamment de la pandémie du Covid-19. Le premier tour a bien eu lieu le 15 mars 2020 quand au second tour il fut reporté au 28 juin 2020.
A rappeler qu’il y avait à élire lors de ces élections quelques 34.968 conseils municipaux et 1.254 conseils communautaires.
Ces élections ont été marquées par un taux d’abstention record à l’échelle nationale avec 55 % au premier tour et 58 % au second. Plus encore ces moyennes nationales cachent une réalité locale où l’abstention a atteint des taux si élevés que certains élus l’ont été par un nombre de voix si bas avec parfois moins de 10% des inscrits posant de fait un réel problème de légitimité.
A rappeler évidemment que les abstentions ne sont réellement prises en compte qu’en relation avec le nombre d’inscrits à un moment précis en lien l’élection en cours. Cela ne saurait évidemment masquer une dimension et une interrogation importante à savoir les raisons profondes de la non-participation au vote de nombreux électeurs potentiels comme par exemple les non inscrits, ou encore ceux qui, parmi les abstentionnistes, qui ignoraient simplement qu’ils étaient inscrits sur les listes électorales (et que l’on trouve notamment parmi les couches populaires), ceux qui n’ont jamais signalés leur changement de domicile suite à leur déménagement dans une autre commune … ou encore ce que les votes blancs et nuls expriment quant au fond.
Selon une étude de l’INSEE réalisée en 2012, « on comptait en France 3 millions de non-inscrits sur les listes et 6,5 millions de personnes mal-inscrites. Chez les 3 millions non-inscrits, les chercheurs ont noté une surreprésentation de non-diplômés et de Français nés à l'étranger. Au total, un tiers des Français par naturalisation serait absent des listes électorales, détaille le rapport. Du côté des mal-inscrits, c'est-à-dire chez les 6,5 millions de personnes qui n'habitent plus près de leur bureau de vote, ce sont plutôt des diplômés et des actifs. Une population qui, normalement, vote plus que les autres ».
Et tout cela pose indiscutablement des questions au système électoral tel qu’il fonctionne et donc à la démocratie représentative.
[1] Selon une étude il y a depuis le scrutin de 2008, environ 6,68 % d’élus dans les conseils municipaux issus, ou dont les parents sont issus, de l’immigration extra-européenne (3,18 % en 2001). Et 0,4 % : le nombre de maires parmi eux en 2008 (9 maires en métropole). Il a quadruplé depuis 2001 (source : HCI, septembre 2011)
LES MUNICIPALES DANS LE 9-3
Il y avait donc en 2020 quelques 1598 Sièges à pourvoir dans la quarantaine de villes du département de la Seine-Saint-Denis. Plus de 782.000 électeurs étaient inscrits dans le département mais seuls 276.662 (35,35%) se sont déplacés pour le second tour soit un des taux les plus bas de France.
A signaler que dans le département le rapport de force entre les différentes familles politiques – ou plutôt entre la Gauche et la Droite - les résultats des maires élus sont restés, en comparaison avec 2014, quasiment identiques en nombre : 22 sortants et 22 élus pour la droite et 18 sortants et 18 élus pour la gauche, même s’il y a eu quelques changements au sein de chaque famille politique dans quelques communes (entre socialistes et communistes, ou entre LR et centristes).
Les candidat(e)s « issus de … »
Pour ces élections municipales de 2020 il y avait quelques 208 listes (20 de plus qu’en 2014) et 8742 candidat(e)s (1040 de plus qu’en 2014). Sur ces 8742 candidats on comptait environ 2997 (soit 34%) « issus de l’immigration et ou des minorités » dont 1504 femmes candidates (elles étaient 1105 en 2014 et seulement 590 en 2008).
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Nombre de listes |
Nombre de candidats |
Candidats « issus .. » |
Dont femmes « issues … » |
2020 |
208 |
8 742 |
2 999 |
1 504 |
2014 |
188 |
7 702 |
2 215 |
1 105 |
2008 |
167 |
6 758 |
1 317 |
590 |
LES RESULTATS DES ELECTIONS 2020 ET QUELQUES OBSERVATIONS
Les élu(e)s « issus de … »
Sur les 1598 sièges à pourvoir et donc d’élus en 2020 nous avons 443 élus (28%) « issus de …. » dont 225 femmes (soit 51%) un taux identique à 2014. Cependant les élues femmes le sont à plus de 50% dans 26 communes sur 40 du département et elles dépassent même largement les 60% des « élus issus de … » dans 9 communes. On peut donc considérer que se sont les femmes qui ont largement permis cette progression depuis 2008.
Toutefois cette progression globale du nombre de candidats et d’élus « issus de … » déjà constatée avant 2014 est restée néanmoins contenue en 2020 avec seulement 39 élus de plus qu’en 2014 (alors qu’il y a eu en 2014 quelques 130 élus de plus qu’en 2008). Même constat concernant la présence des femmes comme on le voit dans le tableau ci-dessous. Mais les femmes élues ont pris le pas sur les hommes.
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Nombre total d’élu(e)s |
Elu(e)s « issus .. » |
% |
Dont femmes |
% |
2020 |
1598 |
443 |
28% |
225 |
51% |
2014 |
1582 |
404 |
26% |
206 |
51% |
2008 |
1535 |
274 |
18% |
129 |
47% |
Même chose concernant la répartition de ces candidats « issus de … » entre les différentes familles politiques, on sait que ces candidats - à l’image d’ailleurs des électeurs « issus de … » - ont davantage de proximité et d’affinité, au niveau national et à fortiori dans un département populaire comme le 9-3, avec les listes gauche (et les programmes où les principes de justice sociale et d’égalité sont plus affirmés) qu’avec celles de droite et à fortiori d’Extrême-droite. Ainsi en 2020 trois maires issus de l’immigration maghrébine, tête de listes à Gauche, ont été élus dans les villes de Stains (PCF, réélu), Bobigny (PCF) et Saint-Ouen (PS).
Candidats et élu(e)s « Issus de … » à gauche et à droite …
Ainsi alors qu’en 2014 les listes de gauche comptaient 1324 candidats et celles de droite moitié moins (707) nous avons, en 2020, les chiffres suivants : 1850 pour la gauche (+ 40% par rapport à 2014) et 928 (+17%) pour la droite. Il est vrai qu’en 2014 il y avait également 182 candidats « issus de .. » sur d’autres listes (notamment centre droit UDI) et qu’en 2020 nous avons 203 candidats pour les listes LREM (qui se présente comme « de droite et de gauche ». Enfin il ne faut pas oublier les listes NR (ex FN) qui n’avaient en 2014 que 2 candidats et qui en rassemble 12 en 2020.
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Candidats « issus de … » selon les familles politiques |
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Droite /DD |
Gauche/EELV/ Ext-G/DG |
LREM |
UDI |
RN / FN |
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|
Cand. |
Tête de liste |
cand |
Tête de liste |
cand |
Tête de liste |
cand |
Tête de liste |
cand |
Tête de liste |
2020 |
928 |
14 |
1850 |
30 |
203 |
3 |
|
|
12 |
- |
2014 |
707 |
1324 |
182 |
|
2 |
|||||
2008 |
463 |
10 |
854 |
6 |
|
|
Toutefois et comme le montre le tableau ci-dessus et même si la gauche (dans son ensemble Gauche/EELV/Ext-G/DG) reste majoritaire en nombre de candidats et de tête de liste (30 pour la gauche et 14 pour la droite) on observe cependant une progression plus grande, depuis 2008, de candidats et surtout d’élus sur les listes de droite. Il s’agit surtout d’une baisse relative des élus de gauche ramené au nombre de candidats présentés : en 2008 les élus représentaient 26% des candidats, en 2014 ils étaient à 18% et en 2020 ils ne sont plus que 13%.
Est-ce le signe d’une évolution significative de la droite qui prendrait enfin en compte une réalité sociologique ou est-ce simplement un moyen, tactique et opportuniste, dans l’unique but de gagner des mairies contre la gauche ?
Ou est-ce une tendance plus profonde, au sein de la population, qui fait que les personnes d’origine étrangère qui votent, le font en fonction de leurs intérêts particuliers (de classe ou de position) et de leurs statuts, et ont donc tendance, sur le temps long, à s’aligner et à voter comme la majorité de la population (comme l’ont montré des études sur l’expérience suédoise où le droit de vote des étrangers existe depuis longtemps). Les prochains scrutins nous le diront.
Candidats et élus « issus de … » sur les différentes listes |
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Droite |
Gauche |
Autres listes |
LREM |
Total élus |
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Candidats |
élus |
Candidats |
élus |
Candidats |
élus |
Candidats |
élus |
|
2020 |
928 |
193 |
1850 |
248 |
203 |
2 |
443 |
||
2014 |
707 |
160 |
1324 |
240 |
182 |
4 |
404 |
||
2008 |
463 |
54 |
854 |
220 |
274 |
… Et à l’extrême-gauche
Quelques remarques concernant les listes classées à l’Extrême-gauche (LFI, LO, NPA, et autres) : Nous avons 457 candidats dans les diverses listes de cette mouvance dont plus de la moitié (240) sur les listes LO (qui est d’ailleurs le mouvement qui présente régulièrement le plus grand nombre de listes à chaque élection) (dans 19 communes en 2020) suivi de LFI avec 114 candidats (dans 8 communes en 2020) et un peu plus d’une centaine pour les autres listes.
Quant aux écologistes (surtout EELV) ils ont présenté des listes autonomes dans 9 communes avec 130 candidats « issus de … » et 3 têtes de liste.