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01 Aug

Carnet de voyages : Chroniques menzéliennes (été 2015)

Publié par menzelbourguiba-ex-ferryville.over-blog.fr  - Catégories :  #ballades ..., #"Humeurs", #"Akhbar" El Menzel, News

Carnet de voyages : Chroniques menzéliennes (été 2015)

Carnet de voyages : Chroniques menzéliennes (été 2015)

Immuable Menzel ! Décidemment tout semble figé à Menzel donnant cette impression, cependant fausse, que rien ne bouge et ne change. C’est presque mot pour mot ce que j’écrivais en 2011 : « Immuable Menzel. Curieux de penser que la révolution va, « comme çà », changer le visage de la ville. Menzel est et sera toujours pareille à elle-même » (ici). Menzel change mais à son rythme et à sa manière. Mais l'absence d'une autorité municipale légitimée par le suffrage universel et sur la base d'un programme reste, outre la question des moyens, le principal frein à un réel changement.

1 - Les terrasses de cafés débordent

Menzel immuable mais pas tout à fait car le nombre de café a explosé entre temps. Ferryville avait le record du nombre de bars (et de matelots), aujourd’hui ce sont les terrasses de cafés qui débordent partout dans toutes les rues et quartiers. A telle enseigne que les trottoirs et les places publiques, voire même une partie de la rue, sont occupés par les terrasses de ces cafés. Sans parler de l’intérieur de ces cafés où les traditionnels jeux de cartes gardent toute leur place et importance. C’est un véritable rituel. Mais ce n’est pas spécifique à Menzel Bourguiba. On se demande parfois si les gens ont d’autres occupations dans la vie. Mais l’important est que « cela occupe ».

2 - La « file d’attente »

Menzel immuable aussi dans les boulangeries. C’est vraiment la débrouille et à celui qui sera le plus malin, le plus « grande-gueule », c’est souvent la foire d’empoigne. Non pas que le pain viendrait à manquer, mais une sorte d’habitude que de jouer des bras pour passer avant les autres. Comme si cela répondait à une sorte de rituel et de code établis. Bien sûr c’est le plus souvent aux heures de pointe que le phénomène a lieu (et bien sur tout au long du mois de Ramadan). J’ai pourtant trouvé, un peu à ma grande surprise et surtout ma satisfaction une boulangerie où il y avait une file d’attente et tout le monde a fait le constat que c’était une bonne idée. Sauf que de temps en temps il arrive que quelques énergumènes viennent à en perturber le bon déroulement. Et heureusement que les gens arrivent à résister à ces tentatives et maintiennent coûte que coûte la file d’attente. Je me souviens d’une fois comment l’un de ces énergumènes a trouvé l’astuce pour tenter de contourner la nouvelle règle du jeu. Il s’est offusquer de constater qu’une femme soit obligée de faire la queue avec les hommes et, grand seigneur, il a tout bonnement proposé qu’on mette en place une autre file pour elles. A vrai dire les gens étaient dubitatifs et hésitants face à cette proposition et l’on sentait une certaine déstabilisation. Il avait donc soulevé une question sensible. D’autant que dans certaines administrations et services publics (je l’ai constaté par exemple à la STEG …) le phénomène de deux files d’attente s’est quasiment imposé. Pourtant c’est contraire à la loi qui, en principe, ne fait pas de différence entres hommes et femmes. En principe certes, mais dans les faits dès lors que l’on s’éloigne de la capitale et de quelques grands centres urbains les choses fonctionnent au gré des humeurs et des fatwas que l’on distille quotidiennement. Il faut dire que ces dernières décennies la séparation entre hommes et femmes dans l’espace public est devenu un phénomène courant. Cela s’est même accentué depuis la révolution sous la pression à la fois des partisans de l’islam politique et du retour en force non seulement du conservatisme (soft) mais de plus en plus du traditionalisme ambiant. Le Code du statut personnel en prend un sacré coup.

3 - La politique, oui mais …

Les cafés sont les lieux privilégiés d’échanges et de circulation de l’information. La révolution en 2011 avait même amplifié le phénomène. Pas un sujet notamment politique n’était exclu ou tabou. C’était même devenu le sport favori des tunisiens. Et des Menzéliens. Aujourd’hui encore cela reste vrai mais on sent que le cœur n’y est plus. Non pas que les gens n’abordent plus les sujets politiques mais il y a comme un rejet global sinon de la politique mais surtout DES politiques. Bien sur les gens restent néanmoins vigilants. Il y a eu le rejet d’Ennahda lors des élections de 2014. Puis ce fut le rejet des groupes qui prônent la violence et le terrorisme. Et l’on sent que les vainqueurs des dernières élections commencent, à leur tour, à lasser. Toutefois on reste encore attaché à la légitimité étatique. Le mouvement Front populaire en prend également pour son grade même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Mais avec le fort taux d’abstentionnistes de 2014 ce qui est à craindre c’est un rejet de la « classe politique et médiatique ».

Justement à propos des partis politiques. J’ai vu la façade du local de l’UPL (un parti ramasse tout crée et dirigé par un homme d’affaire) du moins ce qu’il en reste car il n’a servi que durant la campagne électorale de 2014. Qu’importe, aujourd’hui même s’il est clos le logo du parti peint sur toute la façade du mur est largement visible et cela suffit comme pub. Berlusconi n’aurait pas mieux fait. Il semble qu’aujourd’hui seul le mouvement Ennahda anime deux permanences dans la ville. Il a les moyens de sa politique et il a un projet de société et une stratégie de reconquête du pouvoir. Jusqu’il y a un an le mouvement El-Massar (de gauche) avait également sa permanence mais le local a fini par fermer après les résultats des élections de 2014. Quant aux autres mouvements politiques : rien ! Il y a eu certes une certaine effervescence durant la campagne électorale de 2014 puis … silence radio. Fautes de programme ? Fautes de troupes ? Fautes de moyens ? Curieuse façon de faire de la politique en tout cas ! Si les partis politiques n’agissent que durant les campagnes électorales alors, comme on dit, « on est mal barré ! ». Surtout que les municipales (qui auront peut-être lieu en 2016) sont d’un enjeu autrement plus important et déterminant.

J’ai également aperçut un local servant de siège au nouveau syndicat l’UTT, concurrent de la grande centrale UGTT, mais on m’a dit qu’il n’y avait personne et donc aucune activité.

4 - Police vs terrorisme

Les traces de la révolution sont un lointain souvenir. Enfin … presque. Certes la façade de l’Hôtel de ville a été restaurée mais les portes restent obstinément closes. C’est, du coup, un bâtiment annexe, à proximité, sur la place des Martyrs du 14 janvier, qui fait office de municipalité et qui a été totalement rénové grâce à la coopération allemande[1].

Il reste à remettre sur pied les bâtiments des recettes publiques ou encore des commissariats de police (un nouveau site pour la sécurité est en cours de construction à l’endroit où il y avait le pâté de maisons de la grande Sicile).

Donc il faudra patienter encore quelques temps. Un changement toutefois bien visible et palpable : la présence policière et sécuritaire. L’ordre règne. Enfin presque, car …

En effet les descentes de police et surtout des forces spéciales se sont multipliées ces derniers temps. Les attentats du Bardo et de Sousse ont semble t-il fait bouger les choses. Le pays tout entier vit au rythme des descentes et des arrestations. La région de Bizerte (notamment Sejnane, Jarzouna, Tinja, et Menzel Bourguiba …) ne fait pas exception. Elle fait d’autant moins exception que Menzel Bourguiba était notoirement connue pour être un fief des salafistes parmi les plus radicaux. C’était il faut le dire un secret de polichinelle. Ces mouvements ont eu, entre 2011 et 2014, tout le temps et surtout le loisir de s’implanter dans certains quartiers au vu et au su de tous. Ils y ont constitué des « cellules dormantes ».

Bref le nouveau comportement des autorités a semble t-il prit le contre-pied du laxisme qui prévalait sous la troïka et a choisi de ne pas attendre que les catastrophes arrivent pour réagir. Juste après les opérations de police à Sejnane (vous vous souvenez de cet embryant d’imamat ?) ce fut au tour de Menzel (surtout les quartiers de Hay najeh et transvaal et Tinja) de se retrouver dans la tourmente. Plusieurs dizaines d’arrestations au cours de multiples descentes de police (surtout des forces de sécurité intérieure FSI) surtout le 24 juillet. Et la nuit aux bruits des sirènes de police, des hélices des hélicoptères venaient s’ajouter les tirs d’armes automatiques. Mais pour être juste on entendait cela de loin. La ville, elle, continuait d’être calme et sans-soucis de vaquer à ses affaires. En effet tout se déroulait dans quelques quartiers bien ciblés et même quelques habitations et ou locaux tout aussi ciblés. Comme par exemple la mosquée de Hay najeh connu comme l’une des mosquées dites hors contrôle. Et les habitants de ces quartiers n’étaient en reste qui assistaient et suivaient en direct tous les faits et gestes de ces opérations de police. Et une fois celles-ci terminées c’étaient des applaudissements qui les accueillaient. Résultats des courses : saisies de plusieurs armes de guerre, de munitions, d’explosifs … Le bruit coure que des projets d’attentats étaient imminents. Mais il faut se méfier et se garder des « ouï-dire » et des pages facebook.

Il faut maintenant attendre les résultats des enquêtes et les décisions de justice. Car si la police fait son travail c’est au final à la justice de dire le vrai.

Menzel Bourguiba le 31 juillet 2015

Mohsen Dridi

[1] A travers son programme de « Coopération des villes et des municipalités au Maghreb/ CoMun » réalisé en 2013 dans quelques municipalités dont Menzel Bourguiba avec pour objectif la modernisation et l'amélioration des mécanismes de prestation de services municipaux.

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C
bien joué Mohsen ; on attend la suite ...!!
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B
Merci de ces nouvelles
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Garder vive la mémoire d'une ville (Menzel Bourguiba ex-Ferryville) et de ses habitants